Nadège Ragon est factrice en France à Clermont-Ferrand mais elle connaît bien l'Allemagne. Elle nous parle de son métier et des différences qu'elles a observées dans les deux pays.
On commence avec le tri général. On trie pendant une heure des lettres qui ne seront que pour la ville et par quartier. Et puis, chaque facteur récupère les lettres pour son quartier et les retrie par rue en fonction de sa tournée.
Je commence à 6h15. Je suis censée terminer à midi et demi. Mais quelques fois on termine plus tard, quelques fois plus tôt.
Non, ce sont les gens qui travaillent l’après-midi qui s’occupent de vider les grosses boîtes aux lettres. Les lettres que nous trions arrivent dans des gros sacs plastiques.
Oui, des fois on a de véritables chef-d’œuvres. Ça m’est arrivé de reconnaître les dessins sur une enveloppe d'une fille qui fait beaucoup de comics dans ma ville. Elle a un style particulier. Et des fois, les enfants qui envoient des lettres à leur père ou leur mère en prison font des dessins sur l’enveloppe. C’est assez touchant.
Oui, sur l'enveloppe. Il y a souvent des cœurs ou des copies de dessins de Walt Disney, des princesses...
Oui, si au tri général il y a une lettre pour la prison, je la mets dans ce qu'on appelle les Cedex.
CEDEX est l'abréviation de Courrier d’Entreprise à Distribution Exceptionnelle. Les entreprises payent pour avoir leur courrier à une certaine heure. Vous, vous recevez votre courrier quand le facteur passe, ça peut être à huit heures du matin ou à seize heures de l'après-midi. Tandis que les grosses entreprises ou tout ce qui est de l'administration française - comme les prisons, des universités, les écoles etc - ont besoin d'avoir le courrier de bonne heure pour le redistribuer. Ils utilisent donc les Cedex. C'est un service payant.
En vélo.
Entre-temps, il y a quelques vélos électriques qui facilitent la vie. J’habite dans une ville où il y a beaucoup de côtes et avec la charge du courrier, c’est fatigant. J'ai remarqué qu'en Allemagne, les vélos de facteurs avaient deux petites roues supplémentaires devant. Ils tiennent donc tout seuls à l'arrêt.
Oui, on a un uniforme avec le logo de la poste – une lettre en forme d’avion. Assez souvent les couleurs sont bleu-marine et jaune. Un petit peu comme en Allemagne où le bleu foncé est presque noir.
Entre deux heures et demie et trois heures.
Non. Il y en a un peu moins en fin de semaine.
Oh, je n’ai pas compté ! Mais on ne peut pas compter parce que des fois ce sont des maisons, des fois des immeubles, des fois des entreprises...
En fait on a un passe. C'est une clé qu'on met dans les interphones et qui ouvre la porte. Sinon il existe un badge qu'on passe devant un gros rond noir et qui ouvre aussi la porte.
Oui.
Oui, une fois. En retriant mon courrier dans la rue, une lettre m’a échappé et est tombée dans une fissure du bâtiment. Je suis descendue au garage pour voir si je pouvais la retrouver. J’ai appelé le gardien qui m’a dit « Je crois qu’on la retrouvera le jour où le bâtiment sera détruit. »
Ah non, les adresses sont même très souvent illisibles, mais à force de trier les lettres de toute la ville, on reconnaît certaines adresses, certaines rues, donc on sait « ça doit être là », et on essaie. Mais des fois ce n’est pas bon et ça nous revient.
Les manutentionnaires. Si c’est possible, ils les renvoient à l’expéditeur sinon les courriers et même les colis partent à Libourne, dans l'ouest de la France. Là, il sont stockés dans un grand bâtiment. Si les colis n'ont pas été réclamés, ils sont vendus aux enchères au bout de plusieurs années.
Oui, bien sûr. Si tu as écrit ton adresse de l’autre côté, normalement, elle te revient. Sinon, il y aura une recherche pour essayer de la retrouver.
Ah oui, beaucoup ! On ne passe pas beaucoup de temps ensemble parce qu'on n'a qu'une heure de tri général, mais on se voit six jours sur sept, du lundi au samedi, tous les matins. Donc il se crée des liens assez forts et des fois on mange ensemble le midi, après avoir fini la tournée.
D'un côté c'est solitaire parce qu'on est la majeure partie de son temps seul mais d'un autre côté ça rend très sociable. On porte l'habit de facteur, donc on rentre chez les gens facilement, ils nous propose facilement un café, on va avoir des fruits de saison car beaucoup on des jardins... Clermont-Ferrand est une assez petite ville et j'étais dans un quartier avec beaucoup de personnes âgées vivant souvent seules. Le facteur a un rôle important.. C'était hyper sympa parce que j'avais des fois mon café qui m'attendait avec un petit panier de cerises. Je ne pense pas qu’on voit ça dans des grandes villes comme Berlin ou Paris. C'est plus impersonnel.