Quotidien des enfants en 1948-49
Le quotidien des enfants lors du Pont aérien de Berlin (1948-49)
Les jeunes reporters du Grand méchant loup ont rencontré des témoins de l'époque qui leur ont parlé de leur enfance après la Seconde Guerre mondiale et du quotidien dans cette période tendue de Guerre froide.
Deux fois deux heures d'électricité par jour
La peur de l'obscurité
J'avais très peur de rentrer à la maison dans l'obscurité. Les rues n’étaient éclairées que d'un seul côté. Je devais souvent monter les quatre étages sans lumière, je retirais toujours mes chaussures en bas et tenais les clés dans ma main. Au cas où quelqu'un se serait caché.
Il fallait attendre le retour de l'électricité pour préparer les repas
C'était compliqué pour ma mère de faire la cuisine. Elle devait préparer le manger quand il y avait de la lumière. Cela arrivait souvent vers deux heures du matin. Puis elle mettait le faitout enveloppé dans du papier journal sous les couvertures du lit. Comme ça, le lendemain, on avait quelque chose de chaud à manger. Nous ne pouvions pas le réchauffer. Le charbon était rationné comme beaucoup de choses d’ailleurs. (Un témoin de l’époque, alors enfant)
On faisait nos devoirs à deux heures du matin
En hiver, il faisait nuit de bonne heure et on avait très rarement de l'électricité. Parfois, on en avait à deux heures du matin, alors on se levait, je faisais mes devoirs, ma mère faisait la cuisine et repassait. (Une témoin de l’époque, alors enfant)
Le gaz et l’électricité étaient rationnés
On n’avait le droit qu’à une certaine quantité de gaz. Il y avait même un compteur de gaz exprès pour ça. (Mercedes, alors âgée de 7-8 ans)
Le charbon était rare et l'hiver glacial
La joie de pouvoir ramener du charbon à la maison
Les Américains avaient d'énormes camions, des semi-remorques, qu’ils chargeaient de charbon. Nous, les enfants, on habitait dans une rue à côté, là où il y avait un grand virage. Les Américains conduisaient leurs véhicules très vite, et nous, les enfants, on s’installait à cet endroit tranquillement et on attendait sagement qu’ils passent. Et quand le charbon tombait, on allait le ramasser. (Une témoin de l’époque, alors enfant)
Une brique comme bouillotte
On a eu vraiment très froid. Même les lits étaient parfois gelés. Tant que le poêle de la cuisine était encore chaud, on y mettait des briques. Après, on les enveloppait dans du papier et on les prenait avec nous dans le lit. (Horst, alors âgé de 8 ans)
Des fenêtres aux carreaux cassés
Il a fait très froid en hiver. On avait collé du papier devant les fenêtres. On avait un petit poêle alimenté au charbon, on se mettait tous devant. Tous les morceaux de bois qu’on trouvait étaient brûlés. (Mercedes, alors âgée de 7-8 ans)
La nourriture restait un problème
Les chips, tous les légumes étaient séchés
L'une des missions des Alliés consistait à nous fournir du pain, aussi des gâteaux. Et même les Russes ont fait ça aussi dès le début. Juste à côté de chez nous, il y avait un boulanger, il était approvisionné en farine et en levure à trois heures du matin. Il y avait aussi du lait frais pour les bébés.
Nous avons eu un colis CARE. Dedans, il y avait des chips, des légumes, tout était séché. Sinon, on recevait des cartes d'alimentation. Comme ni ma mère ni ma grand-mère ne pouvaient travailler, on n’avait le droit qu’à peu de tickets de rationnement. Donc on comptait sur les œufs de nos poules qu’on échangeait en partie avec un boucher. À la place, il nous donnait de la viande pour notre chat, lui aussi il fallait bien le nourrir. On avait ce chat et un perroquet depuis longtemps. Ils faisaient partie de la famille.
Nous, les enfants, avions droit à une ration supplémentaire offerte par la Croix rouge suédoise. On nous donnait une carte de dix bons avec laquelle on pouvait aller manger dix fois dans les cuisines de la Croix rouge. Mais c’était seulement pour les petits enfants. (Mercedes, alors âgée de 7-8 ans)
« Des pommes de terre à minuit »
Les enfants mangeaient à peu près à leur faim. Mais une fois, mon père est rentré très tard le soir avec des pommes de terre, on s’est tous levés et on a mangé les pommes de terre à minuit. Ça montre bien qu’on avait faim.
Il y avait beaucoup de choses qu'on ne connaissait pas, donc elles ne nous manquaient pas. Je devais avoir 10 ans quand j'ai vu pour la première fois des oranges et des bananes. (Horst, alors âgé de 8 ans)
Le jeu fait oublier la faim
Nous étions trois enfants. Nous n'avions pas assez à manger, mais bon, c'était comme ça. Ma mère devait s’arranger, s’organiser. Donc quand on revenait de l'école et qu’on demandait à quelle heure on allait manger, elle nous disait : « Sortez jouer un peu avant ». Et ce n’est qu’une fois devenus adultes qu’elle nous a dit qu'elle repoussait l’heure du repas pour ne pas qu'on ait à nouveau faim trop vite. (Une témoin de l’époque, alors enfant)
Nos terrains de jeux
À la chasse aux trésors
Les ruines étaient notre terrain de jeux, et j'ai toujours aimé grimper partout avec les autres jusqu'à ce qu'un camarade de classe meure en tombant. On sortait de la ferraille, tout ce qui avait encore de la valeur. Parfois, on a même trouvé des jouets d'enfants morts probablement. (Mercedes, alors âgée de 7-8 ans)
Des endroits magiques
C'était captivant de se retrouver et de chahuter dans les ruines. Il y avait un tank qui avait brûlé dans le parc. On jouait dedans. Ou dans un cratère de bombe, c'était notre bac à sable. (Horst, alors âgé de 8 ans)
Le marché noir
Des échanges suivis parfois de surprises
Ma mère avait encore des cigarettes d'avant-guerre, elle les a échangées contre des graines pour les poules. Beaucoup de Berlinois avaient des poules ou des lapins dans leur cour ou sur leur balcon, donc il y avait aussi tout un marché pour cela.
Le marché noir n'était pas toléré par la police américaine qui effectuait des contrôles. Ma mère avait échangé des bottes pour moi en 1947. Mais il y a eu une descente de police, les gens ont dû monter dans un camion. On a eu la chance de pouvoir se cacher dans une pharmacie. Quand ma mère a ouvert le sac après à la maison, on a remarqué que les chaussures étaient de deux tailles différentes. Ça se voit encore sur la photo de mon premier jour d'école. (Mercedes, alors âgée de 7-8 ans)
Faire des réserves
Mon père partait dans les environs de Berlin voir les paysans dans les fermes. Il emmenait un sac à dos. Dedans il y avait des objets tels que des montres, des bijoux, des tapis, tout ce qui pouvait être échangé contre de la nourriture. (Horst, alors âgé de 8 ans)
Noël 1948, un Noël pas comme les autres
En 1948, nous avons eu deux sapins. Un voisin en a apporté un et il a obtenu quelque chose en échange. Puis un fermier est venu nous apporter des produits alimentaires et aussi un sapin. Il nous les a échangés contre de l'argenterie, des draps et des nappes. Ce Noël, nous avons aussi eu une oie. Elle était déjà morte mais n’était pas plumée. Il a fallu arracher les plumes et enlever l'œsophage. On l’a fait sécher et on l’a utilisé comme boîte pour les petits pois. Et avec les longues plumes, un petit voisin s’est fabriqué une coiffe d’indien. (Mercedes, alors âgée de 7-8 ans)
Il y avait un arbre de Noël et des cadeaux. On a fait un repas chaud. Ma mère avait pu faire un gâteau, ça faisait déjà un beau cadeau. (Horst, alors âgé de 8 ans)
Interview : Chloé, Dagmara, Elsa, Emmanuelle, Gaïa, Mathilde, Natalia et Rosalie
Dessins : Gaïa, Natalia, Rosalie et Simon
Texte et dessins © Grand méchant loup | Böser Wolf
Photo : Colis CARE © Musée des Alliés Berlin
Photo : Petite fille © Mercedes Wild
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