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Une mission difficile mais magnifique

Une interview avec Richard von Weizsäcker,

ancien président de la République fédérale d’Allemagne de 1984 à 1994

 

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Le président >>>

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Bonjour Monsieur le Président, je m’appelle Manon et j’ai 10 ans. Je m'appelle Alina. Je m'appelle Johannes. Et moi, David.

Bonjour, je m´appelle Richard, comme le prénom français. Alors bienvenue ! Vous voulez  me poser des questions ?

Richard von Weizsäcker avec les Grands méchants loups


L'enfance


Vous étiez un bon élève ?
Ça dépendait. Ma première année d’école, je l’ai passée à Copenhague, au Danemark. J´y ai appris à lire et à écrire. À l´époque, je parlais le danois aussi bien que l´allemand et depuis, j´ai tout oublié. C´est comme le français, je l´ai appris trois fois dans ma vie, et trois fois oublié. Enfant, j´ai aussi été à l´école en Suisse, à Berne, et là-bas l´instituteur parlait français.


Quelle était votre matière préférée ?
Mes matières préférées étaient l’histoire et la géographie. J´ai un grand frère qui est très bon en mathématiques, mais moi, pas du tout. J´ai toujours profité de sa réputation. Par contre, j´étais meilleur que lui en géographie et en histoire. Et en musique. Je jouais du violon. Mais dans l´orchestre de l’école, nous avions trop de violons et pas assez de cuivres, c´est-à-dire pas assez de trompettes, de trombones etc. Il a donc fallu que je me mette à la trompette, au grand malheur de ma famille, d´ailleurs, car je me suis souvent exercé à la maison. Je les ai tous beaucoup énervés.


Vous vouliez faire quel métier quand vous étiez enfant ?
À 10 ans, je ne savais pas. Pour tout te dire, je ne savais toujours pas vraiment ce que je voulais faire à 30 ans. Aujourd’hui, je suis connu en tant qu’homme politique, et pourtant je n’ai commencé ma carrière politique qu’à 49 ans.



Le président de la République fédérale d’Allemagne

 

Vous avez été président de la République fédérale d’Allemagne. Vous étiez content quand c’est arrivé ?
Oui, et c’est bien normal. Avant j’étais maire de Berlin. C’était très intéressant et très difficile /en français dans le texte/. Et puis je suis devenu président et j’en ai été très heureux.


C’était plus difficile d’être président à votre époque, ou c’est plus difficile maintenant ?
C’est une question très intéressante. Parfois j’ai tendance à penser que c’est plus difficile aujourd’hui qu’autrefois, mais ma femme n’aime pas trop que je dise cela. Elle dit toujours : « De ton temps, c’était plus dur. » L’Allemagne a été divisée pendant longtemps, il y avait deux états allemands, et nous avons toujours espéré qu’ils puissent de nouveau être réunis. L’époque où les deux états étaient encore séparés puis ont finalement été réunis, c’était justement l’époque, où j´étais Président. Bien sûr, cela n’a pas été une mission facile… Je suis très heureux d’avoir vécu cela en tant que président.


Qu'est-ce que vous préfériez faire quand vous étiez président ?
Les voyages. En tant que président, on fait ce que l’on appelle des visites d’État. Il y a près de 180 nations indépendantes dans le monde. Je ne suis pas allé partout, mais j’en ai visité environ 60. Les voyages à l’étranger m’ont toujours énormément intéressé.


Quels sont les pays qui vous ont intéressé le plus ?
Pour ce qui est des paysages, ce sont mes voyages en Amérique du Sud que j’ai le plus aimés, en Équateur et en Bolivie. Vous connaissez la Bolivie ? L´aéroport de La Paz se trouve à 4000 mètres d’altitude, la ville se situe un peu plus bas, à 3500 mètres. Je suis descendu de l’avion et une compagnie d’honneur m’attendait, je devais marcher le long des rangées de soldats et les saluer. Ce n’est pas facile du tout de descendre de l’avion à 4000 mètres d’altitude et d’arriver à respirer norma-lement quand on n’en a pas l’habitude. Tout le monde ne vit pas à aussi haute altitude. Berlin, c’est à peu près au niveau de la mer, pas vrai ? J’ai aussi fait un beau voyage dont je me souviens très bien, c’était au Mali.


Avez-vous aussi voyagé en Europe ?
Oui, je connaissais même certains pays européens avant de devenir Président. En tout cas, mon premier voyage officiel en tant que président m’a conduit en France.


Vous avez dû faire beaucoup de discours ?
Oui. J’ai d’ailleurs un souvenir très drôle. Lorsque j’ai effectué cette visite, Laurent Fabius était premier ministre. Un jour, il m’a invité à déjeuner avec près d’une centaine d´autres personnes. Nous étions assis l’un à côté de l’autre et nous avons eu une conversation que j’ai trouvée fort intéressante. On avait commencé par un potage, suivi d’autres plats, et enfin d'un dessert, après quoi nous devions prononcer nos discours devant les nombreux invités. C’est là que Fabius a sorti son discours de sa poche. « C’est mon discours. Vous pouvez bien entendu le lire, mais ce n’est pas nécessaire. Vous aussi, vous avez probablement un discours dans votre poche, mais nous avons déjà bien discuté, ça suffit. Alors rangeons nos papiers et lais-sons tomber les discours. » Je n’ai jamais revu une chose pareille depuis.


Est-ce que le discours que vous avez prononcé pour le 40ème anniversaire de la fin de la guerre, le 8 mai 1985, a été le plus important pour vous ? Parce que moi, je suis née un 8 mai.
C´était un jour très important, et j’ai tenu un discours. C’est vrai. Il a été très entendu, ou plus précisément, très souvent publié, même à l’étranger. Mais je suis content que tu sois née un 8 mai. C’est un beau jour.


Qu’est-ce que vous aimiez le moins quand vous étiez Président ?
Ce n’est pas une question facile. Ce que j’aimais probablement le moins, c’était de me retrouver dans une conversation que je ne comprenais pas vraiment. Certains parlent un anglais tellement bizarre. C’est toujours un peu troublant. Il faut donner une réponse raisonnable alors qu’on n’a pas bien compris la question !


Est-ce que cela a été difficile de ne plus être Président ?
Non, car ça a aussi de très grands avantages. Un Président a beaucoup de travail et il n’est pas vraiment libre de décider de ce qu’il doit faire. Il y a toujours de nouvelles obligations qui s’imposent à lui. Quand on n’est plus Président, on est bien sûr plus libre de faire ce que l’on veut.


Est-ce qu’être Président en Allemagne, c’est comme être Président en France ?
Non, pas tout à fait. Le Président français a bien plus de pouvoirs exécutifs.


Qu’est-ce que c’est exactement ?
Ce sont des droits, des possiblités d’agir. Le Président français est chef des armées et de la marine françaises. C’est lui qui détermine la politique extérieure. En Allemagne, le rôle de Président n’est pas aussi vaste, il a moins de pouvoir que le Président français.



Le Maire de Berlin


Vous avez été maire de Berlin. Comment c’était Berlin à l’époque ?
La ville était divisée. Il y avait Berlin-Ouest et Berlin-Est. Berlin-Est était la capitale de ce qu’on appelait la RDA, la République démocratique allemande. Berlin-Ouest faisait partie de la République fédérale d’Allemagne, mais la capitale d’alors, c’était Bonn. Cette séparation était difficile à vivre pour les Berlinois car il y avait un mur en plein milieu de la ville, et on n’avait pas le droit de le franchir pour passer de l’autre côté.
Celui qui voulait se rendre dans l’autre partie de la ville avait besoin d’une autorisation. C’était une situation vraiment inhumaine, beaucoup d’amitiés et de liens familiaux ont été brisés par ce mur. En tant que maire, je devais tout faire pour que la division de la ville causée par ce mur devienne ou reste à peu près supportable. C’était très difficile, mais pour moi ce fut une période très importante pendant laquelle j’ai beaucoup appris.





Quelles sont les plus grandes différences entre Président et Maire selon vous ?
Eh bien, un maire est en première ligne responsable de sa ville et ce qu’il dit est surtout entendu dans celle-ci et pas dans tout le pays. Si on veut aussi exercer une influence sur la politique et les problèmes nationaux, on a bien sûr plus de possibilités en tant que Président. Pour moi, devenir Président, ce n’était vraiment pas rien. Tout le monde ne peut pas le devenir.




Le quotidien et plus


À quelle heure vous levez-vous et à quelle heure allez-vous vous coucher ?
C’est très variable. Je vais généralement au lit à 11 heures. Et je me lève sans doute plus tard que vous. Pas avant 7 heures de préférence. A quelle heure vous levez-vous ?


Quand je commence à 8 heures, je dois me lever à 6 heures 30. Et j´aime bien lire avant.

Tu aimes bien ça ? Quand j’avais 10, 11, 12 ans, j’ai habité un temps à Berlin chez des amis ou des connaissances de mes parents. J’avais alors un petit haut-parleur branché à la radio. J’allumais la lumière en cachette et j’écoutais les nouvelles sportives. « Ici Radio Luxembourg, vous allez entendre le reportage sur le Tour de France cycliste. » Mais ça a passé. Maintenant, je ne le fais plus.


Quels sont les traits de caractère que vous ne pouvez pas supporter chez les autres ?
Je ne supporte pas les personnes qui ne sont pas sincères, qui disent le contraire de ce qu’elles pensent. Je trouve ça très antipathique. On peut se disputer avec les autres, ne pas être du même avis. Mais les gens devraient si possible dire ce qu’ils pensent et pas le contraire. Ce qu’il y a, c’est qu’on ne s’en aperçoit pas toujours.


Quelle est votre invention préférée ?
De toutes les inventions faites en France et en Allemagne, celle que je préfère, c'est celle de la montgolfière. Elle fonctionne sans mécanique ni électronique, elle anticipe les débuts de la navigation aérienne et a permis aux personnes du 18ème siècle d'avoir un nouveau regard sur le monde en partant d'une toute nouvelle perspective.


Aimez-vous les animaux ?
Mon animal préféré, c’est l’aigle. Dans les Alpes, il y a de merveilleux aigles royaux et je les ai toujours trouvés magnifiques quand ils volent. J’aime beaucoup les animaux. J’ai eu un petit teckel autrefois. Son ancêtre s’appelait Enno. La génération suivante s’appelait Fenno, puisque F vient après E dans l’alphabet. La génération suivante Genno, et ainsi de suite. Puis vint la génération de notre teckel et nous avons eu là un petit problème, car le nom devait commencer par T. Mais Tenno est le titre de l´empereur au Japon. Nous ne pouvions pas aller dans la rue avec notre teckel et crier tout le temps : « Tenno, viens là ! » Widmung von Richard von WeizsäckerAlors nous avons reçu l’autorisation de l’appeler Senno. Un jour, il a couru après un assez gros lièvre dans le jardin. Le lièvre, évidemment, s’enfuyait parce qu’il avait peur. Mais à la fin, il a eu tellement peur qu’il s’est retourné pour faire front à Senno. Et Senno, ce lâche, a fait demi-tour, la queue entre les pattes, et s’est enfui. Mon teckel n’était pas un loup et il n’était vraiment pas méchant. Et qui a eu l’idée du le nom de Grand méchant loup ?


Les loups, ils vivent en meute et sont solidaires. C’est pour ça qu’on voulait s’appeler comme ça.
Je trouve que c’est un titre splendide. De plus, vous êtes les premiers loups que j’ai rencontrés dans ma vie.




   Dédicace de Richard von Weizsäcker


Interview : Alina, David, Johannes et Manon (Schülerrredaktion Grand méchant loup)

Dessins : Alica, Alina, Alexender, et Ulysse (Schülerredaktion Grand méchant loup)

Photos: Grand méchant loup

© Grand méchant loup | September 2005

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