Nous sommes contre le travail des enfants !

  

    Christine Hohmann-Dennhardt, première femme au directoire* du constructeur automobile Daimler. Une interview des jeunes reporters du Grand méchant loup

 

Christine Hohmann-Dennhardt, juge à l'origine, fait partie des femmes influentes en Allemagne : Depuis un an, elle siège au directoire* du constructeur automobile Daimler, le groupe qui fabrique les voitures Mercedes avec la célèbre étoile.

Daimler est une des plus grandes entreprises allemandes avec 270 000 salariés. C'est là que Christine Hohmann-Dennhardt doit s'imposer face à six hommes puisqu'elle est la seule femme du directoire.

Tu vas pouvoir lire ici la première partie de l'interview faite par les Grands méchants loups.

*Le Directoire de Daimler comprend sept personnes dont le PDG Dieter Zetsche. Le directoire est chargé de gérer et d'administrer l'entreprise.

Vers la deuxième partie de l'interview >>>

 

 

 

Une femme parmi les hauts

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C'est super, je suis une fille ! >>>

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J'aime faire bouger les choses ,>>>

 

 

 

Une femme parmi les hauts dirigeants de Daimler

Ça fait un an que vous êtes chez Daimler. Vous vous l'étiez imaginé comme ça ?
C'est toujours difficile de se représenter une situation à l'avance, mais on apporte ses propres expériences et on constate en définitive que ça n'est pas si différent que ça. Bien sûr, par curiosité, on essaie de découvrir au plus vite le plus de choses possible. C'est comme arriver dans une nouvelle école pour vous.

Comment devient-on membre du directoire de Daimler ? On peut poser sa candidature ou est-ce qu'on nommé ?
Pour ce genre de poste, on ne peut pas se porter candidat. J'ai été vraiment surprise quand le PDG de Daimler, Dieter Zetsche, m'a sollicitée. Je ne m'y attendais pas du tout. Mais on se connaissait et je savais qu'il avait bien réfléchi. Ensuite, c'est une question de confiance en soi. Et comme vous pouvez le voir, je me suis fait confiance.



Engagement

Qu'est-ce qui a poussé Daimler à mettre en place ce nouveau domaine que vous dirigez à présent ?
Franchement, nous voulons faire de bonnes affaires, dans les deux sens du terme. C’est-à-dire que nous voulons faire des bénéfices mais aussi avec franchise, honnêteté.


Vous occupez-vous aussi des droits de l'homme ?
Je suis responsable du respect et de la préservation des droits de l'homme dans l'entreprise. Daimler s'est lié depuis déjà plus de 10 ans au « Pacte mondial ». C'était une idée de Kofi Annan, le dernier secrétaire général des Nations Unies. Dans ce pacte sont fixés des droits fondamentaux comme le respect des droits de l'homme. L'interdiction du travail des enfants et les droits des enfants ont aussi une très grande importance. Daimler s'engage pour ces droits et fait entretemps partie du groupe de direction. ici, en Allemagne, c'est évident que le travail des enfants est interdit.  Mais dans d'autres pays, les choses se passent différemment. Cette année, nous nous sommes donné comme objectif de diffuser encore plus largement le « Pacte mondial » auprès de notre personnel, ici comme à l'étranger. Nous devons nous rendre là-bas et dire : nous sommes contre le travail des enfants.

Pourquoi une si grande entreprise comme Daimler s'engage-t-elle dans le domaine social et culturel ?
Autrefois, personne ne demandait comment étaient fabriqués les vêtements. Aujourd'hui, c'est important. Les gens demandent aussi comment placer leur argent intelligemment, s'ils soutiennent une cause en faisant cela. Ils se sentent plus responsables. Si l’on prend cette responsabilité au sérieux, cela peut renforcer la réputation d’une entreprise. Pour nous, chez Daimler, il est très important d’assumer nos responsabilités.

 

C'est super, je suis une fille !

Pour faire carrière, est-ce qu'une femme doit être meilleure qu'un homme ?
De moins en moins. J'ai souvent été la seule et même la première femme, par exemple, en Hesse (une région d'Allemagne, ndlt), à diriger un tribunal. Cela n'a pas été toujours facile. On me lancait des regards, il y a eu des discussions entre mes collègues avocats pour savoir si j'avais le droit de porter du vernis rouge aux ongles dans ma fonction !  Mais je suis sûre qu'ils ne se sont jamais demandé si la cravate d'un collègue avait des rayures trop fines ou non.

Quand une femme faisait une erreur, on disait : « Evidemment, c'est une femme ! » Mais quand c'était un homme qui se trompait, on disait : « Bon, tout le monde fait des erreurs. »

 

Ce n'est plus comme ça  aujourd'hui ?

Sur ce plan-là, beaucoup de choses ont changé. L'égalité des sexes ne va pas aussi loin qu'elle le devrait, mais il y a de plus en plus de jeunes filles et de femmes sûres d'elles et qui ont une bonne formation. Maintenant, on n'a plus à se dire :  « Je ne suis qu'une fille », mais :   « C'est super, je suis une fille ! »



Est-ce qu'on change lorsque l'on exerce une telle fonction ?
C'est difficile de juger cela soi-même. On ne reste pas la même en faisant de nouvelles expériences. Mais il ne faut pas que ça monte à la tête. Et là, c'est bien d'avoir une famille et des enfants. Les enfants, ça ramènent à la réalité . Quand on est avec eux et qu'on parle de certains sujets, on est la maman et pas plus.

Auriez-vous pu avoir une position aussi importante quand vos enfants étaient petits ?

C'est ce que j'ai fait. C'était dur parfois, car il n'y avait pas encore de crèches. Mais je voulais avoir des enfants et travailler. J'ai donc pris une nourrice, mon salaire y passait et je pouvais ainsi faire les deux.

Que pensez-vous des quotas féminins dans l'économie ?
Que signifie un quota de femme, en fait ? Cela veut dire que nous voulons que les femmes aient les mêmes chances que les hommes et qu'il y ait toujours plus de femmes qui travaillent chez nous. Daimler s'est donné ce but. Ça n'est pas facile car, par exemple, il n'y a pas autant de femmes que d'hommes qui font des études d'ingénieur. Aujourd'hui, nous avons un pourcentage de femmes chez les cadres dirigeants de 11% et nous voulons atteindre les 20% d'ici 2020.

Mais 20% de femmes, ça n'est pas beaucoup...
Nous voulons avancer petit à petit. On ne peut pas dire : nous voulons atteindre un pourcentage de 50% de femmes en deux ans, ce ne serait pas intelligent. Il faut avoir les pieds sur terre et se dire : nous en sommes là, et nous voulons en arriver là. Et ensuite on peut passer á l'étape suivante.


Dans une étude, on peut lire que les entreprises ayant des femmes occupant des postes de dirigeants ont plus de succès ? Ça tient à quoi à votre avis ?

J’ai lu cette étude et l’ai utilisée assez souvent, je l'avoue, pour recruter plus de femmes dans les entreprises. Les femmes prennent en compte d'autres aspects et cela enrichit la discussion, de la même façon que les femmes sont aussi enrichies par les arguments des hommes. Ce n'est pas seulement valable pour les hommes et les femmes : quand des Allemands, des Français ou des gens d'autres nationalités s'assoient à une table, c'est toujours un gain. La diversité fait le succès d'une entreprise.

Vous préférez travailller avec des hommes ou avec des femmes ?
Cela dépend toujours de la personne. Mais dans mon passé, j'ai eu des collègues hommes, par exemple, qui bizarrement ne travaillaient qu'avec des hommes. Ce qui est intéressant, c'est que les femmes juges, elles, avaient plus de femmes comme collègues.



Pouvez-vous nous donner des tuyaux pour devenir chef, en tant que femme ?

Déjà, à l'école, on devrait essayer de trouver où on a ses points forts, ses talents, et se poser la question : au fond, qu'est-ce qui m'intéresse, qu'est-ce que je veux faire dans la vie - mais sans se stresser, au contraire, le faire avec une notion de plaisir. Ça, c'est très important. Il faut faire des études dans le domaine qui vous plaît, et ensuite se lancer, avec confiance, mais aussi avec du recul par rapport à soi. Il ne faut pas se laisser impressionner, mais il faut aussi assumer ses erreurs. Pour faire mieux ensuite. Et puis, si on essuie un refus, il faut se dire que la prochaine fois, ce sera peut-être un « oui ».


Internet

Y a-t-il de nouveaux dangers qui n'existaient pas quand vous avez commencé en tant que juriste ?

En 1975, les ordinateurs n’existaient pas dans les foyers, il n’y avait pas de téléphones portables. J'étais alors présidente d'un tribunal à Wiesbaden et j'ai obtenu l'installation d'un ordinateur central. Il se trouvait dans une pièce à part avec deux postes de travail. Finalement, ça a été l'occasion pour moi de remplacer les vieilles machines à écrire. À l'époque, on n'avait pas le droit de travailler plus d'une demi-journée à l'ordinateur, à cause des yeux. Les collègues étaient contentes et ont dit : D'accord, mais seulement si on remplace les vieilles machines par des machines à écrire électriques. Depuis, beaucoup de choses ont changé. Mais aussi en bien : une meilleure communication, une ouverture, mais évidemment, cela entraine aussi des dangers.




J'aime faire bouger les choses


Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans votre travail ?
J'aime bien rencontrer des gens, j'aime faire bouger les choses. J'adore convaincre les gens, les électriser, les entraîner.

Qu'est-ce qui ne vous plaît pas trop ?

C'est dommage, quand on voyage, de ne voir que les hôtels. On se dit, tiens, j'étais à Pékin, mais au fond, qu'est-ce que j'en ai vu ?

Vous travaillez aussi le dimanche ?
Oui, mais à la maison. Je termine le travail de la semaine et je prépare ce qui est à venir.

Que faites-vous quand vous ne travaillez pas ?
Je fais la grasse matinée, je vais me promener, nager, je vois aussi des amis…

Qu'est-ce que vous ne pouvez pas supporter chez les autres ?
L'arrogance.

Aimez-vous le sport ? Le football aussi ?
J'aime beaucoup nager, comme je vous ai dit, je fais du vélo et du ski. J'aime bien regarder le football aussi.

Quel était votre livre préféré quand vous étiez enfant ?
Fifi Brin d'acier et Charlie et la chocolaterie.

Quels sont vos animaux préférés ?
Les chats.

Y a-t-il un rêve que vous aimeriez encore réaliser ?
J'aimerais encore voir le monde, pas prendre l'avion pour je ne sais où, mais vraiment connaître les endroits. Et avoir plus de temps pour mes amis. Ils me manquent parfois.

Y a-t-il une chose dont vous êtes particulièrement fière ?
Quand je réussis quelque chose qui me tient vraiment à coeur. Là je me dis, tu as réussi, c'est bien. Et je suis fière aussi de mes enfants et contente qu'ils soient heureux.

 

Interview : Alina, Anastasia & David

Dessins : Alina, Clara, Emmanuelle

Texte et photos : © Grand méchant loup | Böser Wolf

Février 2012

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