Maëva Mendez : footballeuse et non-entendante !

 

Il est possible de pratiquer un sport même quand on a un handicap. Maëva Mendez et Nora Lazrak , footballeuses non-entendantes et anciennes joueuses du Club Sportif des Sourds de Montpellier, ont répondu par écrit aux questions des jeunes reporters du Grand méchant loup.

Merci à Paul Haultecoeur, leur entraîneur, pour le contact et les informations !

Pour en savoir plus sur les clubs de foot pour sourds en France >>>

 

Comment êtes-vous devenue footballeuse ?

Maëva : Une copine m'a annoncé qu'elle voulait créer un club de football avec des filles sourdes à Montpellier. J’ai voulu faire un essai, j'avais besoin de faire du sport.

J'ai tout de suite été intéressée car c'est un sport que j'aime bien et comme on est seulement entre sourdes, pour la communication, c'est super. Pas besoin de porter mon implant pendant le sport. C'est un avantage pour moi.

Nora : Quand j'en ai entendu parler, j'étais à l'internat pour sourds et malentendants et il n'y avait aucun sport pour nous, donc j'ai sauté sur l'occasion.

 

Depuis combien de temps jouez-vous au football ?

Maëva : C'est ma quatrième année.

Nora : Ça fait 3 ans que je pratique le football.

Est-ce que vous jouez avec les hommes ou uniquement entre femmes ?

Maëva : Nous jouons uniquement entre femmes.

 

Comment faites-vous pour communiquer et pour entendre lorsque l'arbitre siffle ou lorsqu'une autre joueuse de votre équipe veut vous faire une passe par exemple ?

Maëva : Pendant mes deux ans de foot dans le club des filles sourdes à Montpellier, l'arbitre agitait un drapeau jaune fluo au lieu de siffler, comme pour le hors jeu.

Nora : Souvent les arbitres savent qu'on est sourdes, donc ils vont aussi faire des mouvements avec les mains. Mais souvent on va courir quelques secondes sans s'apercevoir que le jeu a été interrompu.

Pour communiquer avec l'arbitre, il y a des signes communs, et pour nos partenaires de foot on utilise des petits codes avec les yeux ou un mouvement de la tête etc...

Maëva : Là depuis deux ans, je suis dans un club d'entendantes, mais avec Nora on est cinq sourdes à y être. L'arbitre siffle et je vois quand les autres joueuses s'arrêtent. Donc, je comprends qu'il y a eu une faute ou autre chose.

Et pour les passes, on utilise plutôt les yeux. Il faut que je regarde quand on me fait une passe et les autres doivent me regarder en face quand je veux leur en faire une.

 

Ce n'est pas trop difficile de jouer avec des entendantes ?

Maëva : Si, c'est difficile, car physiquement et techniquement les entendantes sont plus avancées, mais nous nous y sommes habituées depuis deux ans.

Nora : Je ne trouve pas ça plus difficile mais ce n'est pas du tout la même ambiance. C'est une nouvelle expérience avec des nouvelles rencontres qui nous enrichissent autant. Mais finis les matchs dans d'autres grandes villes vers d'autres équipes sourdes... Heureusement, certaines de mes camarades sourdes jouent dans le même club entendants que moi. Ouf.

 

Est-ce que votre entraîneur parle le langage des signes ? Comment fait-il pour vous appeler s'il veut vous dire quelque chose ?

Maëva : Depuis que je fais du foot, on a toujours le même entraîneur, Paul. Il est sourd et connaît le langage des signes, mais il sait aussi parler. C'était notre entraîneur au club des filles sourdes. Il nous accompagne dans les clubs entendants, bien qu'il y ait un entraîneur principal.


Quand l'entraîneur entendant veut me dire ou me montrer quelque chose, il se met en face de moi et essaye de parler doucement en articulant, mais comme je n'ai pas l'implant sur moi, c'est difficile et surtout fatigant.

Nora : Les entraineurs entendants connaissent quelques signes, mais très très peu.

 

Etes vous sensible au public qui vient vous encourager ? Comment fait-il pour vous encourager ?

Maëva : Quand on voit du monde, on le sait et on voit bien qu'ils nous encouragent.

Nora : Lorsque j'étais dans le club des sourdes, j'étais sensible au public qui venait nous voir.  Mais avec celui des entendants je ne remarque pas, sauf quand ce sont mes proches qui viennent. Ils crient, utilisent des banderoles avec des couleurs qui ressortent bien.

En 2008/2009, vous êtes arrivées deuxième de la compétition de zone 2F, à quoi correspondent les zones 1 et 2 ?

Maëva : La France est coupée en deux zones :

une Zone 1 correspondant aux clubs dans le nord en France, c'est à dire de Nancy à Rennes. Et la Zone 2 de Bordeaux à Lyon.

 

Pourquoi n'y a-t-il plus de compétitions en France entre joueuses sourdes ?

Maëva : Il n'y a pas assez de clubs ouverts . Il faut qu'il y ait au minimum cinq clubs pour maintenir la compétition.

Nora : Beaucoup ferment pour cause de bébé, les femmes ont du mal après à tenir l'engagement et puis, les femmes sont plus compliquées que les hommes.

 

Alors c'est difficile de trouver un club de football pour femmes sourdes ?

Nora : Oh oui, très très difficile, malheureusement.

Maëva : Avant ce n'était pas difficile, il y avait quelques clubs en France, mais ils ont tous fermé depuis deux ans. C'est pour cela je me suis orientée vers le club entendant.

 

Être sourde au quotidien...

Quand vous étiez plus jeune, comment faisiez-vous pour jouer avec les autres enfants qui, eux, entendaient ?

Maëva : A ce moment-là, j'étais appareillée. Je suis d'une famille entendante et j'ai été éduquée par une orthophoniste. Donc je me débrouillais pas mal pour communiquer avec les autres enfants en lisant sur leurs lèvres. Mais je passais plus de temps à jouer qu'à parler.

Nora : Les autres enfants me connaissaient bien donc ils articulaient.

 

Quelles difficultés rencontrez-vous au quotidien ?

Nora : Difficile de répondre, c'est trop vague pour moi. Je rencontre moins de difficultés au quotidien car je fais une formation où l'on tient compte de mon handicap. J'ai mon copain sourd, et mes amis sourds et mes amis entendants me connaissent telle que je suis.  Mais je suis aussi appareillée , cela m'aide beaucoup pour communiquer avec ma famille et mes amis entendants..

Maëva : Au quotidien, c'est difficile d'être à l'aise dans le contexte social avec les entendants. Au téléphone par exemple, ce n'est pas facile pour moi lorsque je veux prendre des rendez-vous, etc....

 

Quel est votre métier ?

Nora : Je suis en formation pour devenir éducatrice spécialisée.

Maëva : Je suis à la recherche d'un apprentissage en BTS ESF pour être conseillère en économie sociale et familiale.

 

La coupe du monde de football féminine va bientôt avoir lieu, vous allez venir en Allemagne pour la suivre ?

Maëva : Ah, je n'étais pas au courant du fait qu’il y ait une coupe du monde féminine. Je ne sais pas si j'irai.

Nora : Non, pas du tout prévu de ma part, mais je vais me renseigner. Merci pour l'information !


Jouer au foot quand on est sourd

La possibilité de pratiquer une activité pour les sportives et les sportifs handicapés reste très limitée. Malgré tous les efforts de la Commission Fédérale de Football des Sourd(e)s (CFFS), le championnat masculin a perdu en importance : en 2010, le nombre de clubs a diminué (de 26 à 19 clubs). Et le championnat féminin n’a plus lieu depuis 2009, car il n’y a plus assez d’équipes participantes. Durant le dernier championnat (2008-2009), huit équipes ont participé.


Au CSS Montpellier - Club Sportif des Sourds de Montpellier, le groupe des femmes a été fondé en 2007, c'est-à-dire il y a quatre ans. Il a obtenu deux ans plus tard la 2e place, mais n’a pas pu entamer de nouvelle saison suite à la fermeture du championnat. Paul Haultecoeur, l’entraîneur de l’équipe, a intégré plusieurs de ses anciennes joueuses dans un club entendant. Cependant, plusieurs ont arrêté après une année, Maëva Mendez fait partie de celles qui ont continué.

 

Interview: Die Bösen Wölfe
Dessins: Coralie, Chloé, Kurt, Alice & Alice
Photos: © www.midilibre.fr - 2011
Textes et dessins : © Grand méchant loup | Böser Wolf - Mai 2011 | www.boeser-wolf.schule.de