Le Mur était comme une montagne
Jürgen est physicien. Il a grandi à Berlin-Est à l’époque du Mur. Après la réunification, il a perdu son emploi et est parti travailler à l'étranger.
Comment avez-vous vécu le Mur ?
Le Mur a toujours existé dans ma jeunesse et c’était pour moi comme une montagne, immuable. Le Mur est là, et on ne peut de toute façon rien y faire. Quelque chose d’impossible à déplacer.
De Berlin-Est, on ne pouvait pas voir le Mur. Du côté Ouest on pouvait s’approcher du Mur, mais du côté Est, c'était très contrôlé, il y avait même un deuxième mur. On ne pouvait même pas s’approcher de ce mur-là.Est-ce que le quotidien a changé après la chute du Mur ?
Oui, de manière dramatique parce que beaucoup d’entreprises ont été fermées par exemple, beaucoup de gens ont perdu leur emploi et ont dû quitter leur région.
En plus, beaucoup d’Allemands de l’Ouest sont revenus à l’Est et ont voulu récupérer les maisons qu’ils avaient abandonnées en partant pour l‘Ouest. Des gens ont été chassés de leurs maisons.
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Julia avait une grand-mère à l'Ouest
Julia a grandi dans un land de l'ancienne Allemagne de l'Est.
Est-ce que ta vie a beaucoup changé après la chute du Mur ?
J'avais quatre ans à la chute du Mur, mais je me rappelle seulement qu'on ne recevait plus de paquets de ma grand-mère qui habitait à l'Ouest. Dedans, il y avait toujours du Nutella et des sucreries qu'on ne trouverait pas à l'Est. Et tout d'un coup, on n'en a plus reçu. A l'époque, je n'ai pas compris pourquoi. Mais plus tard, en y repensant, j'ai réalisé ce qui s'était passé.
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Christa avait une grand-mère à l'Est
Christa a toujours connu le Mur puisqu'elle a grandi à Berlin-Ouest
Vous aviez de la famille à l'Est ?Oui, ma grand-mère et mon grand-père. Ils habitaient à la campagne et avaient le droit de venir nous voir. Ma grand-mère était à la retraite, l'Etat s'en fichait qu'elle reste à l'ouest ou non. Quand ma grand-mère est morte, ma mère a reçu un appel. Sinon, on ne pouvait pas leur téléphoner, ce n'était pas possible. Et elle n'a pas eu l'autorisation d'aller à l'enterrement. Mes grand-parents étaient vieux, ma grand-mère était aveugle, donc eux avaient le droit de venir nous voir, mais nous, jusqu'en 1972, on n'avait pas le droit de leur rendre visite.
Florian trouvait le Mur tout à fait normal
Florian a grandi à Berlin-Ouest. Il raconte comment il se sentait à l'Ouest mais aussi à l'Est.
Vous n'aviez pas peur d'aller à Berlin-Est ?
Pour un ado, c'était toujours intéressant de passer la fontière et de se retrouver dans un tout autre pays. On se sentait beaucoup plus à l'étranger que dans tout autre pays européen. C'était vraiment complètement différent. On ne savait pas ce qui pouvait vous arriver. On avait un peu peur, mais c'était aussi toujours l'aventure.
Est-ce que le Mur avait quelque chose de menaçant ?Il n'y avait pas seulement un côté terrible, un côté menaçant, le Mur avait aussi un petit côté rassurant. C'était clair : on ne pouvait pas aller plus loin, tout semblait permis dans ce périmètre.
J'étais absolument sûr que ça resterait toujours comme ça. Ce qui est aussi bizarre, c'est que la ville où j'ai grandi, comme je l'ai connue, a disparu à jamais.pour lire la version complète
Vous avez un souvenir particulier de la frontière ?
Mes parents et moi, on voulait aller voir ma demi-soeur. On était en voiture et il fallait attendre à la frontière. Il y avait une page du passeport de mon père qui ne tenait pas bien et comme mon père avait peur de la perdre, il l'avait fixée à l'aide d'un fil. Mais les soldats se sont dit que c'était sûrement un document falsifié. Il a donc fallu descendre et ils ont fouillé la voiture de fond en comble. Mon père a dû faire refaire des photos pour des nouveaux papiers d'identité. Et il était tellement en colère qu'il a claqué la portière si fort que la vitre s'est cassée. C'était en automne, il faisait déjà assez froid et on avait encore toute la route à faire. Dans la voiture, on s'est retrouvé en plein dans les courants d'air. Mais ni ma mère, ni moi, on a osé dire quoi que ce soit pour ne pas énerver encore plus mon père. Tout le monde nous regardait d'un drôle d'air. Les soldats aussi parce qu'ils pensaient qu'on avait fait quelque chose de pas bien. Et évidemment, on se faisait remarquer avec la vitre cassée. J'avais honte et je me disais : Oh ! J'espère qu'ils ne vont rien nous faire de mal.
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Corinne était à Paris quand le Mur est tombé
Corinne Douarre est une chanteuse française qui habite depuis 16 ans à Berlin.
Vous connaissiez Berlin à l'époque du Mur ?
Non, c'est mon grand regret. Et mon deuxième regret, c'est de ne pas avoir compris - quand il est tombé - combien c'était important. C'était nul. Je faisais de l'architecture à l'époque et il y a un mec qui est rentré en courant dans les ateliers en criant : « Le Mur est tombé ! » et nous, on était à la bourre pour rendre nos trucs et on était complétement concentrés sur notre travail et lui, il disait : « Arrêtez tout, le Mur est tombé, je prends tout de suite un billet de train et pourquoi vous restez là ! » Et je n'ai pas tilté. Je suis restée à Paris à faire des dessins, et ce n'est que quelques temps après où je me suis dit, ah zut, ça devait être intéressant d'aller voir la chute du Mur.
Matthias Platzeck
est un ancien ministre président du Land de Brandebourg. Il a grandi en Allemagne de l'Est à Potsdam, tout près de Berlin.
Tant qu'il y avait le Mur, vous ne pouviez pas passer de l'autre côté...
C'est toujours ce que je souhaitais avant la chute du Mur. J'avais très envie de connaître le monde.
Qu'est-ce que vous avez fait quand les frontières ont été ouvertes ?
On avait le droit de sortir mais on n'avait pas l'argent, les devises pour aller à l'Ouest. Alors d'abord je n'ai pas du tout bougé parce qu'il y avait trop à faire durant les premiers mois. Mais ce n'était pas grave car on savait qu'on pouvait sortir. Et quand on a voulu aller voir des amis à Hambourg, donc à l'Ouest, pour la Saint-Silvestre 89, je me suis endormi et le problème est que j'ai dormi plus ou moins pendant trois jours parce que je n'avais presque pas fermé l'oeil les semaines auparavant. C'est comme ça que mon voyage à Hambourg est tombé à l'eau. J'ai passé mon premier voyage prévu à l'Ouest à dormir !