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Le ravitaillement des soldats au front

Une interview de Gunther Hirschfelder, historien, par les jeunes reporters du Grand méchant loup


 

 

Comment se passait le ravitaillement des troupes ?

 

Le ravitaillement des troupes du Front ne fonctionnait pas toujours bien, donc les soldats avaient besoin d’aliments qui se conservaient. Deux nouveaux produits faisaient partie des rations alimentaires : les conserves et le chocolat. Les boîtes de conserve contenaient souvent de la soupe (aux petits pois, aux haricots ou aux pommes de terre), des saucisses ou du fromage. Le chocolat était au départ un produit de luxe que l’on consommait en boisson. Suite à l’invention du chocolat en tablette, l’armée britannique a eu l’idée d’en distribuer en grand nombre à ses hommes, car le chocolat est très riche en calories. C’est donc seulement lors de la Première Guerre mondiale que la consommation de chocolat s’est généralisée en Allemagne et en France.

     Les conserves et le chocolat     

          

Comment c’était possible de nourrir autant de personnes pendant la guerre ?

 

Tout était exactement organisé par l’armée qui planifiait quels soldats recevaient quel repas et à quel moment. Il y avait des plans précis pour les rations : les officiers et les lieutenants avaient le droit tous les jours à un demi-litre, voire un litre de vin. Les simples soldats avaient un vin de moins bonne qualité et en plus petite quantité. A partir de 1916, les denrées alimentaires ont été rationnées, ce qui signifie que l’Etat contrôlait non seulement le ravitaillement des soldats, mais aussi celui des civils. Les gens n’avaient plus le droit de vendre comme ils voulaient leurs vaches, leurs pommes de terre ou leurs céréales. L’Etat donnait des directives précises sur la quantité à donner à l’armée et celle que l’on pouvait garder pour soi.

 

Que donnait-on à boire aux soldats ?

 

On leur donnait beaucoup d’alcool car ils avaient très peur d’être blessés ou de mourir. En France, on leur donnait du vin ; en Allemagne, on leur donnait de la bière, et du schnaps, du cognac ou de l’eau de vie, pour surmonter la peur. Et les soldats fumaient beaucoup.

                                                          


Il y avait des cuisiniers ?

Il y avait beaucoup de cuisiniers différents. Mais pendant la guerre, c’est devenu très chaotique, les soldats devaient souvent faire eux-mêmes la cuisine. Vers la fin de la guerre, on mangeait même les chevaux des ennemis. Beaucoup de soldats étaient fermiers avant la guerre et savaient donc comment abattre des bêtes. Lorsque des soldats arrivaient dans un village, en l’espace de 10 minutes, ils tuaient et dépeçaient un cochon, et commençaient même à le faire cuire.

 

Voilà comment les soldats improvisaient


C’est vrai que les soldats avaient plus à manger que le reste de la population ?

Oui, c’est certain. Dès que c’était possible, les soldats étaient très bien ravitaillés. Mais aussi bien en France qu’en Allemagne, à partir de 1917, voire déjà 1916, il y a eu de grandes pénuries alimentaires. En Allemagne, il y a eu des famines terribles, surtout pendant l’hiver. Le peu de nourriture restant était très pauvre en calories. Les civils tentaient même de faire pousser des légumes en ville. Ils braconnaient également. La population a beaucoup souffert.

 

C’est vrai qu’en Allemagne, surtout dans les territoires polonais, les gens ont davantage été touchés par la famine qu’en France ?

Oui. D’abord la France était un plus grand pays agricole. Et l’entrée en guerre des Britanniques et des Américains lui a apporté un soutien supplémentaire. Au cours de la guerre, l’Allemagne, de plus en plus isolée, ne pouvait plus subvenir à ses besoins alimentaires. À l’automne 1918, la situation était tellement catastrophique que plus personne n’avait encore le courage de se battre.

 

Est-ce que la malnutrition a eu une influence sur la taille des gens ?

 

Oui. En moyenne, les gens ont perdu 20% de leur poids. Comparé à 1913, les adolescents de 1919 étaient aussi au moins plus petits de 3cm. Très peu de personnes sont mortes directement de faim, mais le manque de calories et de vitamines et le manque de chauffage ont permis à des maladies telles que la tuberculose de se répandre.

 

La guerre a-t-elle modifié les habitudes alimentaires des gens ?

 

Oui. Une population qui a connu la famine, a envie de bien se nourrir par la suite, tout du moins si elle le peut. Cette guerre a contribué à la diffusion de produits comme le chocolat ou les conserves. Mais en dehors de cela, la guerre n’a pas rien apporté de nouveau.
Ou peut-être que si, dans le domaine des drogues. On a donné de la morphine à beaucoup de soldats contre les fortes douleurs et ils sont devenus dépendants.

Est-ce que les américains ont apporté de nouvelles habitudes alimentaires à l’Europe ?

 

Oui, c’est certain. Les américains mangent plus, car les conditions agricoles sont meilleures dans leur pays. Ils mangent d’autres choses, comme de la viande de bœuf, de porc ou de dinde. Et beaucoup de produits à base de maïs ou de patates douces. Ils mangent plus d’aliments sucrés comme les glaces, les popcorns ou le chocolat. Les Français et les Allemands mangent à des heures régulières tandis que les Américains sont moins stricts.

 

Interview : Chloé, Emmanuelle, Gaïa et Jeanne | Rédaction Grand méchant loup
Dessins : Alina, Clara, Emil et Emmanuelle  | Rédaction Grand méchant loup

© Grand méchant loup | Mars 2014