« Je ne comptais pas faire un seul film et puis plus rien »

Interview avec Pepiang Toufdy, réalisateur du film Enfant immigré

Tout étonne en Pepiang Toufdy. D'abord, il n'a que 21 ans. Ensuite, il est autodidacte ; il a appris comment réaliser des films en discutant avec les autres, en les regardant faire, mais n'a jamais mis les pieds dans une école de cinéma. Pourtant, Enfant d'immigré est très soigné et abouti, et a remporté plusieurs prix*, notamment le prix national Envie d'agir. On donne la parole à Pepiang.

 

Vous pouvez nous résumer l’histoire que raconte votre film ?
Je quitte l’Afrique pour aller vivre en France, et je raconte ce changement sous forme d'une lettre filmée. C'est une sorte de définition en images de ce que c'est d'être immigré en France. Ce n’est pas de la fiction pure et simple, mais c’est ce que j’ai vécu, c’est ma réalité, c’est mon histoire.

 

Vous travaillez en équipe ? C’est important pour vous ?
Oui, c'est même essentiel dans le cinéma. Par exemple, si j’ai une idée, je la partage avec mon équipe, puis on en parle tous ensemble et on la modifie pour la rendre encore meilleure. C’est important d’être entouré dans ce milieu. Moi je travaille avec un collectif de réalisateurs qui s’appelle Sans Canal Fixe. Ils m’aident non seulement à tourner et monter mes films, mais aussi ensuite à les produire.

Qu’est-ce qu’il faut retenir du film ?
Au-delà de ma propre histoire, je voulais faire passer un message universel. Pour que l’on arrive à vivre tous ensemble, il faut que l’on s’accepte les uns les autres. Et s’accepter, c’est aussi agir sur le terrain, défendre une cause, être militant. Moi j’agis avec des mots, des mots simples qui peuvent toucher les cœurs. Je défends mes convictions, mais je suis aussi capable d’entendre celles des autres. Au fond, c’est ça le respect mutuel. Ce que j’espère, c’est qu’après avoir vu le film, les spectateurs vont en tout cas y réfléchir.

Vous avez l’impression que votre film a déjà fait changer un peu les choses ?
Oui. Je travaille dans plusieurs associations et je mets en place des ateliers de cinéma dans les écoles et dans les centres de loisirs. J’en ai profité pour diffuser le film et j’ai eu beaucoup de retours positifs. J’ai par exemple réussi à fédérer un groupe de jeunes de votre âge qui sont maintenant actifs dans une association luttant contre la discrimination.

Et maintenant, avez-vous un nouveau projet ?
Oui bien sûr ! Je ne comptais pas faire un seul film et puis plus rien. Je veux continuer à m’engager, et, pour ça, il faut que je fasse d’autres films. Pour le moment, je ne suis qu’au tout début de ce nouveau projet, il reste encore plein de choses à mettre en place. Mais ce qui est sûr, c’est qu’un nouveau film verra le jour dans quelque temps.

Est-ce que ce sera le même thème qu’Enfant immigré ?
Oui, ce sera le même thème. Le film s’appellera L'Esclavage moderne de Fatima. Ce sera l’histoire d’une fille africaine qui étudie en Afrique et puis qui décide de quitter son pays et d’aller poursuivre ses études en France. Mais les personnes chez qui elle loge l’empêchent d’aller en cours et l’obligent à rester à la maison, à garder les enfants et à faire le ménage… Toute personne a une histoire, une histoire de vie. En tant que réalisateur, je prends cette histoire, je la travaille, je la mets en scène et cela fait mon film. Pour ce nouveau projet, je raconte l’histoire d’une jeune fille que je connais très bien.

Et à travers ces histoires, quel est le message que vous voulez faire passer ?
Raconter ces chemins de vie, c’est une façon de dire à ceux qui sont là-bas qu’ici ce n’est pas toujours facile et de dire à ceux qui sont ici que là-bas, ce n’est pas facile non plus. En fait, le point de départ est identique à celui de mon premier film : c’est l’Afrique. Et puis les mêmes questions sont posées : qu’est-ce qui nous amène à venir ici, en France ? Qu’est-ce qu’on y trouve de mieux ?

Et vous y répondez quoi ?
Ce qui nous pousse vers la France, c’est une envie d’autre chose, la volonté de changer de vie, de laisser sa vie en Afrique de côté et d’essayer quelque chose de nouveau. Souvent la motivation est aussi financière. Bien sûr ce n’est pas facile, mais on fait avec les difficultés et on garde espoir. Le problème est que si tout le monde quitte l’Afrique pour venir ici, qui va construire là-bas, qui va faire vivre les petits villages ?

* Le film a reçu le deuxième prix Jeunesse sans discrimination au festival sans parole de Paris, le prix Encre solitaire au festival Couleurs abstraits et le prix national Envie d'Agir.


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