« Faire un documentaire, ça ne m'intéressait pas »

Interview avec Paul Constant, réalisateur du film Fais-moi danser

 

Paul Constant a 28 ans et il fait des films. Fais-moi danser a reçu le prix Envie d'agir du festival Selluloïd. Il a été choisi car il offre un regard original et très personnel sur un phénomène de société qui touche le village natal du réalisateur : le dépeuplement de la Corse profonde. Paul Constant a choisi de raconter cette histoire sous la forme d'un conte de fées. C'est pour ça qu'il mélange les images réelles et les séquences d'animation. Il fallait absolument qu'on l'interroge !

Aussitôt dit, aussitôt fait...

 

 

Vous avez mis combien de temps à tourner votre film ?
Il a fallu 2 ans jour pour jour pour le réaliser entièrement, de l'écriture jusqu'à la réalisation. Le tournage a duré 7 jours, à raison de 8 heures par jour. C'était mon premier film en tant que professionnel.

Pourquoi avoir choisi de mettre en scène un conte de fées ?
Je voulais parler de ces villages qui se dépeuplent, c'est-à-dire que les gens les quittent pour aller habiter dans les villes. Il fallait que je montre les maisons qui sont abandonnées et se délabrent, les commerces qui ferment et toute la vie qui quitte le village petit à petit. Mais je ne souhaitais pas aborder ce thème de façon réaliste. Cela me semblait trop dur, trop froid. Faire un documentaire, ça ne m'intéressait pas. Alors j'ai choisi d'adopter la vision d'un enfant, ce qui me permettait de traiter le sujet de façon un peu particulière et de réaliser une sorte de conte de fées moderne.

On voit très peu les adultes dans le film. Pourquoi ?
Au début du film, c'est vrai, on ne voit que les pieds des adultes. J'ai essayé de me placer du point de vue de l'enfant qui est un peu timide et qui n'ose pas regarder les adultes droit dans les yeux, alors il se contente simplement de regarder leurs pieds. Plus tard dans le film, lorsqu'il fait sa deuxième tentative pour vendre les billets de tombola, il a plus d'assurance. Il a grandi grâce à sa rencontre avec la fée et là, cette fois-ci, on voit les adultes.

 

Vous avez tourné dans votre village en Corse ?
Oui. Au début, je ne voulais pas car je trouvais que ça m'impliquait trop. C'était presque malsain. Puis les producteurs et les scénaristes m'ont dit qu'il fallait que je tourne le film dans ce village car il existait un lien fort. J'ai cédé et c'est une décision que je ne regrette pas.

Comment avez-vous fait pour trouver les acteurs ?
Étant corse, je voulais en priorité des acteurs corses, mais je ne souhaitais pas que le film soit identitaire. Ça veut dire qu'il fallait que ça puisse se passer un peu n'importe où, et pas seulement en Corse. En Corse, je n'ai pas trouvé la fée que j'attendais. Un jour, en Belgique, je suis tombé sur « elle », la fée, celle qu'il me fallait, et je lui ai immédiatement demandé de participer au film. Pour l'enfant, ça a été plus difficile. Je voulais impérativement qu'il soit corse pour ne pas qu'il ne se sente déraciné. Je l'ai finalement trouvé en passant une annonce dans un journal.

Pouvez-vous vous iden- tifier à ce petit garçon ?
Quand on fait un film, il est important d'avoir un lien fort avec son personnage principal et de s'identifier au moins en partie à lui. C'est important pour que tu puisses croire à ton propre film.

À un moment on peut voir une bouteille d'alcool. Pourquoi ?
C'est une bonne question. La fée est en fait une institutrice sur le point de partir à la retraite. Je voulais montrer que cette personne se sent seule. Elle perd son utilité dans le village puisqu'elle ne va plus être institutrice. Elle pourrait se réfugier dans l'alcool, c'est très triste, mais parfois ça arrive.

Est-ce que la fée meurt finalement ?
Oui, elle meurt. Mais le petit garçon se souvient d'elle grâce à la photo. L'idée c'est qu'une personne ne meurt jamais vraiment tant qu'on ne l'a pas oubliée. Même si la fée est décédée et qu'il y a un habitant en moins, elle est toujours présente d'une certaine façon.

Est-ce que vous aussi vous avez connu une fée qui a influencé votre parcours ?
On rencontre toujours au cours de sa vie des personnes avec qui le courant passe. Quand on est petit, on peut les sublimer et les prendre pour modèle. Ce ne sont pas forcément des fées bien sûr, mais en tout cas ce sont des personnes qui t'apportent beaucoup. Des fées comme ça, oui j'en ai rencontré.


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